L’EXPULSION DU LOCATAIRE EN SITUATION D’IMPAYÉS À LA SUITE DE LA LOI ANTI-SQUAT DU 27 JUILLET 2023.

La procédure tendant à voir condamner le locataire à payer sa dette locative et ordonner son expulsion est encadrée par des formalités et des délais légaux qui doivent impérativement être respectés.

I- Loyers impayés : les actes et délais précontentieux à disposition du bailleur.

A partir de quand et quelles démarches le bailleur peut-il entreprendre pour obtenir le paiement des loyers et l’expulsion du locataire ?

Dès le premier loyer impayé, le bailleur peut saisir un huissier de justice qui :

  • Signifiera un commandement de payer visant la clause résolutoire du bail accompagné d’un décompte de la dette locative et des charges
    • il convient de préciser que depuis la loi du 27 juillet 2023, il est désormais obligatoire de stipuler dans le contrat une clause résolutoire
  • Informera la CCAPEX de la situation afin qu’une enquête sociale soit diligentée au bénéfice du locataire
    • les conditions de saisine de la CCAPEX étaient fixées par département. Depuis la loi du 27 juillet 2023, elle est obligatoire si la dette représente deux mois de loyers hors charges ou si le locataire a arrêté de payer son loyer ou ses charges pendant deux mois consécutifs.

S’ouvrait alors un délai de deux mois pour le locataire défaillant pour régulariser sa dette en intégralité ou saisir le tribunal s’il contestait celle-ci.

Ce délai a été réduit à six semaines par la loi du 27 juillet 2023 n°2023-668 dite loi anti-squat [1].

A l’expiration du délai de six semaines, si la dette n’a pas été réglée ou que le locataire n’a pas contesté le commandement en saisissant le tribunal :

  • la clause résolutoire du bail produira pleinement ses effets et le bail sera automatiquement résilié,
  • et s’ouvrira le droit, pour le bailleur, de saisir le tribunal afin d’engager une procédure pour constater la résiliation du bail et condamner le locataire devenu occupant sans droit ni titre au paiement de la dette et voir prononcer son expulsion.

Toutefois, la délivrance de l’assignation au locataire et la notification de cette action à la Préfecture doivent intervenir au plus tard six semaines avant la première audience [2].

Autrement dit, entre la signification du commandement de payer et la 1ère audience, un délai incompressible de trois mois s’écoulera au lieu de quatre mois avant la loi du 27 juillet 2023.

Le délai de 4 mois sera toutefois maintenu si le bailleur est une personne morale autre qu’une SCI familiale.

Le législateur a ainsi voulu raccourcir les délais légaux pour les bailleurs personnes privées ou organisés en SCI familiale. Il a dû considérer que les bailleurs de type bailleurs sociaux ou bailleurs institutionnels pouvaient continuer de s’accommoder du délai de quatre mois.

II- Loyers impayés : les actes et délais contentieux à disposition du bailleur.

On peut saluer l’effort du législateur pour réduire les délais légaux précontentieux pour les bailleurs privés. Toutefois, cette réduction sera ineffective si les délais judiciaires ne sont pas considérablement réduits.

Aujourd’hui, il peut s’écouler facilement un an entre la délivrance du commandement de payer et l’obtention d’un jugement de condamnation.

Les tribunaux sont engorgés, les juges sont en nombre insuffisants et de fait, les audiences sont lointaines.

L’avocat efficace, qui a rédigé son assignation rapidement et est prêt à faire délivrer son acte par voie d’huissier de justice, est parfois bloqué par les tribunaux qui n’ont pas de date d’audience disponible.

Quels sont les délais de procédure judiciaire ?

Une fois la procédure judiciaire engagée, l’affaire peut être plaidée à la première audience si le locataire ne vient pas, ne se fait pas représenter ou qu’il est prêt à défendre ses intérêts. Il s’agit du scénario permettant d’obtenir un jugement le plus rapidement.

De façon générale, si le locataire se présente seul ou avec un conseil, il y a aura un renvoi de l’affaire à une autre audience afin qu’il puisse préparer sa défense. Plusieurs renvois sont possibles mais seulement dans le but d’assurer le respect du principe du contradictoire.

Quelles sont les chances de gagner devant le tribunal ?

Une fois le dossier plaidé et la décision de justice obtenue, celle-ci est généralement favorable au bailleur.

D’expérience, tous les dossiers visant à obtenir la constatation de la clause résolutoire, le paiement de la dette et l’expulsion du locataire sur ces fondements sont gagnés devant le juge, à l’exception de ceux qui connaissent des vices de procédure (pour non-respect des délais ou des formalités).

Qu’obtient on concrètement du tribunal ?

La décision du tribunal consistera ainsi :

  • à constater l’acquisition de la clause résolutoire, de sorte que le bail sera résilié de plein droit depuis la date d’effet du commandement de payer,
  • à ordonner l’expulsion du locataire avec le concours d’un huissier de justice, des forces de l’ordre et d’un serrurier,
  • à condamner le locataire au paiement de sa dette locative incluant les charges,
  • à séquestrer les meubles du logement afin de pouvoir payer le cas échéant la dette locative,
  • à condamner le locataire au paiement d’un indemnité d’occupation jusqu’à son départ effectif du logement :
    • L’indemnité d’occupation est équivalente au loyer. Il s’agit de la qualification juridique donnée lorsqu’un locataire est jugé occupant sans droit ni titre du fait de la résiliation de son bail.
  • à condamner le locataire au paiement des dépens (les frais d’huissier de justice pour signifier les actes de procédure) et aux frais irrépétibles (les frais d’avocat dans la limite du montant demandé).

Des délais peuvent ils être accordés au locataire ?

Avant la réforme de juillet 2023, le locataire pouvait tenter d’obtenir des délais de paiement et éviter son expulsion s’il prouvait qu’il avait les moyens de régler son loyer et ses charges courantes ainsi qu’un surplus pour solder sa dette locative dans le temps.

Même s’il ne produisait aucun document à l’audience, le juge clément pouvait accorder un délai au locataire pour qu’il transmette ses justificatifs de ressources dans le cadre d’une note en délibéré.

Si tel était le cas et que le locataire avait effectivement la capacité de régler sa dette et ses loyers courants, le tribunal :

  • Constatait certes que le bail était résilié, mais il suspendait les effets de la clause résolutoire, en accordant des délais de paiement au locataire dans la limite de trois années.
  • Toutefois, à défaut de règlement d’un seul loyer ou d’un seul échéancier de la dette, la clause résolutoire reprenait pleinement effet et le bailleur pouvait saisir l’huissier de justice afin qu’il mette en œuvre la procédure d’expulsion et de saisie aux fins de paiement.

Depuis l’entrée en vigueur de la loi anti-squat le 29 juillet 2023, cette tolérance des juges n’est plus.

La loi prévoit en effet qu’aucun délai de paiement ne pourra être accordé par le tribunal au locataire si celui-ci ne prouve pas avant l’audience, d’une part qu’il a la capacité de régler sa dette et d’autre part qu’il a repris le paiement de l’intégralité de ses loyers et charges courantes [3].

Au cours des audiences qui ont lieu depuis le 29 juillet 2023, les juges demandaient systématiquement aux locataires demandeurs de délais de paiement s’ils étaient à jour de leur loyers et charges courantes. Nous attentons avec impatience les décisions de justice à venir pour déterminer si les juges ont appliqué strictement les nouvelles dispositions légales.

III- Loyers impayés : les actes et délais post-contentieux à disposition du bailleur.

Quelles modalités entreprendre avec une décision d’expulsion et de condamnation au paiement à la dette locative ?

Une fois la décision de condamnation au paiement de la dette et à l’expulsion en mains, votre avocat a réalisé pleinement sa mission. Désormais, seul l’huissier a les pouvoirs et les outils pour mettre en œuvre la décision de justice.

On dit que l’huissier de justice doit « signifier et exécuter la décision de justice ».

La signification de la décision de justice.

Ainsi, une fois la décision de justice favorable obtenue, il faut la transmettre à l’huissier de justice afin qu’il puisse la signifier au locataire devenu occupant sans droit ni titre.

Si celui-ci n’a pas comparu, il faut impérativement lui signifier la décision dans un délai de six mois, sinon la décision sera non avenu et il faudra engager une toute nouvelle procédure judiciaire pour obtenir un nouveau jugement [4].

L’exécution de la décision de justice.

L’exécution de la décision consiste à recouvrer la dette locative et à obtenir le départ de l’occupant sans droit ni titre que ce soit de façon volontaire ou forcée.

Comment recouvrer la dette locative ?

L’huissier de justice signifiera un commandement de payer à l’occupant.

S’il ne s’exécute pas spontanément, l’huissier pourra alors consulter FICOBA, le fichier national des comptes bancaires géré par la Direction générale des finances publiques, pour ensuite saisir toute somme présente sur un ou plusieurs comptes bancaires du débiteur.

Il peut réaliser autant de saisies nécessaires pour recouvrer toute la dette locative et les indemnités d’occupation jusqu’au départ effectif de l’occupant.

En revanche, la loi impose à l’huissier de laisser sur les comptes bancaires un disponible de 607,75 euros en 2023 à titre de reste à vivre. Il s’agit d’un solde bancaire insaisissable revu chaque année par décret [5].

Toute saisie peut faire l’objet d’une contestation aux fins de mainlevée par le débiteur par saisine du juge de l’exécution du tribunal judiciaire dans le délai d’un mois [6].

Comment faire partir l’occupant ?

Il convient au préalable de préciser que la décision d’expulsion vaut non seulement pour le locataire qui a failli à payer ses loyers, mais aussi au locataire qui n’est pas parti à la suite d’un congé valablement délivré, au sous-locataire qui n’a pas été validé par le bailleur et à tout autre occupant sans droit ni titre.

L’huissier signifiera un commandement de quitter les lieux, lequel doit impérativement être transmis à la Préfecture de Police.

Le délai pour quitter les lieux est en principe de deux mois mais il peut être supprimé s’il est demandé au juge à l’audience de plaidoiries [7].

Si le locataire défaillant ne quitte pas lieux, l’huissier se déplacera à nouveau pour dresser un procès-verbal de maintien illicite dans le logement.

Il aura alors le droit de requérir le concours de la force publique afin d’être aidé à expulser l’occupant.

En revanche, aucune expulsion forcée du locataire devenu occupant sans droit ni titre ne peut avoir lieu pendant la trêve hivernale du 1er novembre au 31 mars de chaque année [8].

Que faire si l’occupant ne quitte toujours pas le logement et qu’il ne paie pas d’indemnité d’occupation ?

Si l’occupant ne quitte pas le logement de façon volontaire, la nouvelle loi du 27 juillet 2023 prévoit une amende 7 500 euros. Toutefois, le bailleur devra aller porter plainte pour lancer la procédure pénale.

Sur le plan civil, grâce au jugement exécutoire d’expulsion, l’huissier de justice va requérir le concours de la force publique pour procéder à l’expulsion forcée.

Cependant, celle-ci n’est pas automatique.

En fonction de la politique étatique au pouvoir, des instructions sont données pour mettre en œuvre ou non des expulsions forcées d’occupants sans droit ni titre. Or, l’absence de concours de la force publique peut revenir cher à l’Etat.

En effet, de façon générale, si l’occupant ne part pas alors qu’il y a une décision de justice qui l’ordonne, il ne paie pas non plus l’indemnité d’occupation au bailleur (l’équivalent du loyer).

Il faut alors former un recours gracieux à l’expiration d’un délai de deux mois à compter de la signification d’un procès-verbal de réquisition de la force publique ou du refus de la préfecture d’accorder son concours.

Le recours gracieux consiste à demander à la Préfecture de police et in fine à l’Etat de payer au bailleur, à la place de l’occupant, cette indemnité d’occupation jusqu’au départ effectif de l’occupant.

Les sommes allouées ne peuvent pas concerner la dette locative, soit les sommes dues pendant la durée du bail. Elles ne portent que sur l’indemnité d’occupation à compter de la défaillance de la préfecture à prêter son concours à l’huissier de justice pour expulser l’occupant.

L’occupant a-t-il le droit de contester la décision de condamnation ?

Oui, des voies de recours sont ouvertes contre la décision de justice de condamnation à son encontre. Dans le délai d’un mois à compter de la signification du jugement, il peut interjeter appel.

Il peut également saisir le juge de l’exécution du tribunal judiciaire afin de demander des délais pour quitter les lieux. Ils pouvaient être fixés entre 3 mois et 3 ans.

Ils sont fixés depuis le 29 juillet 2023 entre 1 mois et 1 an, ce qui est beaucoup plus raisonnable [9].

L’obtention de ces délais est soumise à des conditions de bonne foi de l’occupant – s’est-il exécuté de ses obligations de paiement de la dette ? – et de la preuve d’accomplissement de diligences pour se reloger – quelles démarches a-t-il fait pour trouver une solution de relogement ? sont-elles sérieuses ? depuis quand les a-t-il entreprises ?

Comment récupérer le logement si le locataire est parti sans prévenir ?

On dit que le locataire part « à la cloche de bois », c’est-à-dire sans prévenir son bailleur, le gestionnaire de l’appartement, le gardien de l’immeuble.

Qu’il parte sans prévenir en cours de bail, de procédure judiciaire ou même après l’obtention du jugement, la loi Béteille du 22 décembre 2010 a simplifié la procédure de reprise des locaux abandonnés dans un délai raisonnable d’environ trois ou quatre mois.

Il est possible de solliciter un huissier de justice aux fins de faire sommation au locataire de justifier son occupation.

A défaut de réponse dans le délai d’un mois, l’huissier pourra pénétrer dans le logement avec 2 témoins pour constater effectivement l’abandon du logement et dresser un procès-verbal à cet effet.

Puis le tribunal est saisi par voie de requête afin de prononcer la résiliation du bail et autoriser la reprise des lieux.

Il résulte de ce qui précède que la procédure pour obtenir l’expulsion du locataire et le paiement des loyers dus peut être longue mais le bailleur doit la mettre en œuvre rapidement pour faire valoir ses droits.

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