Un couple qui décide de se marier va nécessairement et obligatoirement être soumis à un régime matrimonial, soit parce qu’il l’aura choisi (en optant pour un contrat de mariage), soit parce qu’un régime matrimonial s’appliquera par défaut (c’est ce qu’on appelle alors le régime légal).
Le régime matrimonial regroupe l’ensemble de règles relatives aux rapports patrimoniaux entre époux et dans leurs relations avec des tiers, qui résultent du mariage ou de sa dissolution. Il permet de déterminer la consistance du patrimoine (commun/indivis/propre/personnel) et corrélativement les droits et obligations des époux et les règles de gestion des biens.
La nature du régime matrimonial a une importance capitale puisqu’elle détermine la propriété des différents biens composant le patrimoine du couple et les pouvoirs de gestion des époux sur ces biens (de quelque nature qu’ils soient : immobilier, mobilier – meubles meublants, avoirs bancaires, produits financiers…) pendant le mariage, au moment du divorce ou lors du règlement d’une succession.
Les régimes matrimoniaux les plus répandus sont les suivants :
- Communauté de biens réduite aux acquêts : les biens acquis pendant le mariage par les époux, leurs salaires, économies… sont des biens communs ; demeurent des biens propres ceux dont les époux disposaient avant le mariage ou ceux entrés dans leur patrimoine pendant le mariage par donation ou héritage
- Communauté universelle : l’ensemble du patrimoine est commun, quelle que soit son origine et quelle que soit la date le bien est entré dans le patrimoine (avant ou après le mariage)
- Séparation de biens : les patrimoines des époux sont séparés (patrimoines personnels) et seuls sont indivis les biens achetés en indivision par les époux. Les salaires et économies sont des biens personnels.
Les droits du conjoint dans le cadre d’un divorce ou d’une succession ne seront naturellement pas identiques selon le régime matrimonial applicable à sa situation. Le régime matrimonial a également une influence au moment du règlement de la succession puisqu’il détermine le patrimoine du défunt.
Qu’en est-il ainsi du régime matrimonial dans les couples dont les époux sont de nationalités différentes ou dans les couples qui s’expatrient ?
La loi applicable au régime matrimonial en présence d’un élément d’extranéité (nationalité, déménagement à l’étranger), à défaut de contrat de mariage préalable, diffère selon la date du mariage.
I. Le régime matrimonial applicable à défaut de contrat de mariage.
- Pour les couples mariés avant le 1ᵉʳ septembre 1992.
Avant cette date, aucun instrument de droit international ne régissait la loi applicable au régime matrimonial. Ce sont ainsi les règles internes de chaque Etat qui déterminent la loi applicable au régime matrimonial pour les mariages célébrés avant le 1ᵉʳ septembre 1992.
En droit français et comme dans beaucoup d’autres pays, la loi applicable est celle que les époux ont implicitement choisie, ce choix résultant du lieu du premier domicile matrimonial des époux.
- Pour les couples mariés entre le 1ᵉʳ septembre 1992 et le 29 janvier 2019.
La Convention de la Haye du 4 mars 1978 sur la loi applicable au régime matrimonial, instrument de droit international est entrée en vigueur le 1ᵉʳ septembre 1992 en France, au Luxembourg et aux Pays-Bas.
Loi applicable :
A compter de cette date, la loi applicable aux régimes matrimoniaux est ainsi déterminée par cette norme internationale.
Pour les couples mariés à partir du 1ᵉʳ septembre 1992, la loi applicable à leur régime matrimonial est la loi de l’Etat sur lequel ils ont établi leur première résidence habituelle après le mariage.
Exemple : Madame et Monsieur Peeters, tous deux de nationalité néerlandaise, se sont mariés aux Pays-Bas en 2010 alors qu’ils habitaient en France et que leur première résidence habituelle après le mariage était la France. Bien que tous deux néerlandais et mariés aux Pays-Bas, le régime matrimonial de Madame et Monsieur Peeters est soumis par défaut à la loi française et non à la loi néerlandaise.
Or, le régime légal varie d’un Etat à l’autre. Alors qu’en 2010 le régime légal en France était (et est toujours aujourd’hui) la communauté de biens réduite aux acquêts, le régime légal applicable aux Pays-Bas était, à cette époque celui de la communauté universelle.
La Convention de La Haye du 4 mars 1978 est dite universelle en ce que la loi qui va s’appliquer peut être celle d’un Etat qui l’a ratifiée mais également celle d’un Etat tiers.
Exemple : madame et monsieur Dubois, tous deux de nationalité française se marient en 2013 et fixent leur première résidence habituelle au Texas, aux Etats-Unis. Ce sera la loi de l’Etat du Texas dans lequel ils ont établi leur première résidence habituelle qui s’appliquera à leur régime matrimonial, quand bien même les Etats-Unis sont un Etat tiers à la Convention.
La Convention de La Haye du 4 mars 1978 prévoit également qu’à défaut de première résidence habituelle sur le territoire du même Etat, c’est la loi nationale commune des époux qui s’applique et qu’à défaut de loi nationale commune, que le régime matrimonial du couple est soumis à la loi interne de l’Etat avec lequel, compte tenu de toutes les circonstances, il présente les liens les plus étroits.
Mutabilité passive :
Par ailleurs, cette Convention de La Haye du 4 mars 1978 prévoit en son article 7 un principe de mutabilité passive automatique du régime matrimonial.
Dans trois cas énumérés à cet article, les époux peuvent subir un changement de loi applicable à leur régime matrimonial, à compter de la survenance de l’une des situations prévues à l’article 7. Une nouvelle loi nationale vient alors régir le régime matrimonial des époux, pour le futur, et sans qu’ils n’en aient conscience.
Dans les trois hypothèses suivantes, la loi de la résidence habituelle des époux devient la nouvelle loi de leur régime matrimonial :
- lorsqu’ils résident depuis 10 ans dans cet Etat,
- si la nationalité de cet Etat est leur nationalité commune,
- si le régime matrimonial était soumis à la loi de l’Etat de la nationalité commune, à défaut de résidence habituelle sur le même Etat uniquement en vertu de l’article 4 alinéa 2.
Exemple : un couple de néerlandais se marie en 2001 et fixe sa première résidence habituelle aux Pays-Bas ; le couple est donc soumis au régime de la communauté universelle de droit néerlandais. Ce couple part s’installer en France le 1ᵉʳ mars 2005. A compter du 1ᵉʳ mars 2015, le couple est alors soumis au régime légal français qui est celui de la communauté de biens réduite aux acquêts. Deux régimes matrimoniaux différents s’appliquent donc dans le temps : le régime néerlandais de la date de leur mariage jusqu’au 1ᵉʳ mars 2015 puis le régime français à compter du 1ᵉʳ mars 2015.
Exemple : les époux Peeters, tous deux de nationalité néerlandaise qui se sont mariés en France et y habitaient en 2010 sont revenus s’installer aux Pays-Bas le 1ᵉʳ septembre 2017. A compter de cette date, ils sont soumis, pour l’avenir au régime légal néerlandais (soit à l’époque la communauté universelle). Ils sont donc soumis de la date de leur mariage en 2010 au 31 août 2017 au régime légal français puis à compter du 1ᵉʳ septembre 2017, au régime légal néerlandais.
- Pour les couples mariés à compter du 29 janvier 2019.
Le règlement UE du 24 juin 2016 (2016/1103) mettant en œuvre une coopération renforcée dans le domaine de la compétence, de la loi applicable, de la reconnaissance et de l’exécution des décisions en matière de régimes matrimoniaux est entré en vigueur le 29 janvier 2019 et s’applique à la détermination de la loi applicable pour les couples mariés à compter de son entrée en vigueur.
Loi applicable :
En l’absence de loi choisie par les époux, la loi applicable au régime matrimonial est celle de l’Etat :
- de la première résidence habituelle commune des époux après la célébration du mariage, ou, à défaut
- de la nationalité commune des époux au moment de la célébration du mariage, sauf si les époux ont plus d’une nationalité au jour de cette célébration, ou, à défaut ;
- avec lequel les époux ont ensemble les liens les plus étroits au moment de la célébration du mariage, compte tenu de toutes les circonstances.
Pour les néerlandais et les français, soumis depuis 1992 à la Convention de La Haye du 4 mars 1978, les critères de détermination de la loi applicable à leur régime matrimonial ne sont ainsi pas nouveau.
S’agissant d’un règlement de l’Union européenne, il s’applique toutefois à tous les Etats membres de l’Union européenne (et pas uniquement à la France, au Luxembourg et aux Pays-Bas comme la Convention de La Haye du 4 mars 1978).
Ce règlement est également universel, en ce que la loi qu’il désigne peut-être celle d’un État non-membre de l’Union européenne.
Fin de la mutabilité passive :
Importante nouveauté en revanche, le règlement du 24 juin 2016 signe le glas de la mutabilité passive (changement automatique de loi).
Ainsi, les couples dont le mariage est célébré postérieurement au 29 janvier 2019, ne subiront plus de changement de loi sans l’avoir décidé.
Ce principe de mutabilité passive perdure toutefois pour les époux qui restent soumis à la Convention de la Haye de 1978, c’est-à-dire ceux qui se sont mariés entre le 1ᵉʳ septembre 1992 et le 28 janvier 2019, sans choix de loi, et qui n’ont pas procédé postérieurement au 29 janvier 2019 à un changement de loi applicable.
II – L’intérêt de choisir la loi applicable à son régime matrimonial.
Les développements qui précèdent démontrent que dans un contexte international, la conclusion d’un contrat de mariage peut assurer aux époux une sécurité et stabilité juridique. Cela leur permet de choisir la loi applicable à leur mariage, pour toute la durée de celui-ci.
Il ne leur est toutefois pas possible de choisir n’importe quelle loi et le choix de loi applicable est encadré par le règlement UE du 24 juin 2016, lequel prévoit que les époux peuvent choisir la loi soit :
- de l’État dans lequel au moins l’un des époux ou futurs époux a sa résidence habituelle au moment de la conclusion de la convention,
- de l’État dont l’un des époux ou futurs époux possède la nationalité
Une fois la loi applicable choisie, les époux peuvent soient opter pour un régime conventionnel ou au contraire opter pour le régime légal.
Il convient néanmoins, dans un contexte d’expatriation, de se rapprocher d’un professionnel du droit pour s’assurer de l’efficacité du régime matrimonial choisi, certains pays ne reconnaissant pas les conventions matrimoniales. Certains avantages matrimoniaux, comme la donation au dernier vivant par exemple, fort prisée en France, ne sont pas non plus nécessairement reconnus à l’étranger.
Si les époux n’ont pas opté pour une loi au moment de leur mariage (dans le cadre d’un contrat de mariage qui précède leur union), tout n’est pas perdu pour autant.
Pendant le mariage, les couples ne sont pas totalement démunis mais sont très peu au fait d’une disposition leur permettant de changer, à moindre coût, de régime matrimonial pendant le mariage. Il ne s’agit pas à proprement parler d’un changement de régime matrimonial mais d’une déclaration de loi applicable à leur régime matrimonial, laquelle peut avoir des conséquences rétroactives.
Cette déclaration de loi applicable, en cours d’union, prévue par le règlement EU du 24 juin 2016 en son article 22 l’était également par la Convention de La Haye du 4 mars 1978.
Toutefois, tout changement de loi applicable intervenant après le 29 janvier 2019 est soumis au règlement européen, même si les époux se sont mariés avant cette date.
La loi retenue peut être soit celle de l’Etat dans lequel au moins l’un des époux a sa résidence habituelle au moment de déclaration, soit celle de l’Etat dont l’un des époux possède la nationalité.
Le règlement prévoit que cette déclaration de loi applicable, sauf convention contraire des époux n’a d’effet que pour l’avenir. Cela signifie donc que des époux peuvent modifier, de manière rétroactive, la loi applicable à leur régime matrimonial (afin de contourner, par exemple, l’application d’une loi étrangère qui s’appliquerait en raison de leur première résidence habituelle).
Exemple : les époux Dubois qui s’étaient expatriés aux Etats-Unis en 2013 reviennent en France en 2021. Mariés sous l’emprise de la Convention de La Haye du 4 mars 1978, ils sont alors soumis au régime légal français à compter de leur retour puisque tous deux de nationalité française. Toutefois, les biens qu’ils ont pu acquérir entre 2013 et 2021 seront soumis au régime texan. Par une déclaration de loi applicable, ils peuvent décider de soumettre leur régime matrimonial, depuis leur mariage au droit français et choisir parmi les différents régimes matrimoniaux possibles en France (ceux de la communauté de biens réduite aux acquêts, de la séparation de biens, de la communauté universelle et de la participation aux acquêts).
En France, la déclaration de loi applicable prend nécessairement la forme d’un acte authentique, dressé par un notaire.